Les rues et les villes sans voiture sont-elles bonnes pour les commerces de proximité ?

La piétonisation ou restriction de l’accès des voitures à des zones plus ou moins vastes des centres villes progressent trop lentement en France. Pourtant, ces mesures suscitent souvent des levées de boucliers d’une partie des automobilistes et des commerçants, ainsi que de certains habitants soucieux de la prospérité de l’activité économique locale souvent précaire. Et à tort.

Si les bénéfices de la réduction de la place de la voiture pour la santé, l’environnement ou la socialisation sont trop bien établis pour être remis en cause, son impact sur les commerces des zones qui voient leur mobilité transformée est encore vivement débattu.

Pourtant, les preuves s’accumulent : l’importance de la voiture pour alimenter les commerces des centres-villes a été jusqu’ici largement surévaluée. Au contraire, comme l’explique Mathieu Chassignet [Ingénieur mobilité durable à l’Ademe] dans cet article sur le « dogme du « no parking, no business » », les rues et zones interdites aux voitures ont plutôt tendance à gagner en attractivité.

En résumé, plusieurs enseignements peuvent être tirés de multiples études :

1. Dans les plus grandes villes, une large majorité des clients des petits et moyens commerces utilisent les transports en commun, ou viennent à pied. Même en périphérie, encore la moitié des clients privilégient ces modes de déplacement à la voiture. Aucune raison donc, de miser sur le tout voiture pour augmenter la fréquentation de son commerce de proximité dans le contexte de centre-ville.

2. La perception des commerçants semble largement erronée quant au mode de déplacement de leurs clients, en témoignent les exemples de Bruxelles, Lille et Rouen. Des enquêtes y ont montré que les clients, à l’opposé du ressenti des commerçants, non seulement n’ont pas spécialement envie de venir faire leurs courses en voiture, mais citent même cette dernière comme un désagrément pouvant les dissuader de faire le déplacement, mettant en particulier en cause le bruit généré par le trafic.

3. Comme le souligne l’auteur, les villes qui ont réussi à redynamiser leurs commerces de proximité sont celles qui ont fortement restreint la place de la voiture dans certaines rues ou zones au périmètre plus ou moins large. On peut citer en France les villes de Compiègne, Dijon, Pornic, Nevers, Épinal, Strasbourg, Arras…

 

Comme le rappelle ce rapport de l’Aguram, sur le sujet de la dynamisation des centres-villes en se passant de l’omniprésence de la voiture, la réduction de la place de l’automobile doit être pensée de manière globale pour être un succès. Elle peut cependant être progressive, avec dans un premier temps la mise en place de « zones bleues » et « apaisées » aux abords des zones piétonnes, où le stationnement est gratuit mais limité en durée, et la vitesse maximale fortement réduite.

Pour rassurer les commerçants, la piétonisation peut d’abord avoir lieu à certains horaires ou périodes de l’année, de manière à ce qu’ils puissent évaluer l’impact des mesures mises en place.

Surtout, pour être couronnées de succès, ces mesures doivent impérativement être accompagnées de la création et de l’amélioration de parcours piétonniers et cyclables, ainsi que d’un renforcement de la fréquence, de l’amplitude et de la couverture des transports en communs.